Mon interview avec Leah Roseman (Violin Lesson Online)

Mon parcours du violon classique au violon jazz… dans une interview !

Récemment, je me suis faite interviewée par la violoniste Leah Roseman, qui m’a interrogée sur mon parcours et sur ma découverte du violon jazz…

J’ai traduit tout le texte, mais évidemment je ne peux pas écrire ce que je joue… Car oui, elle m’a demandé de jouer…

Je vous suggère donc d’aller écouter mon morceau « Souffle » au début de la vidéo / du podcast, et également une impro sur « Autumn Leaves » un peu plus tard !

N’hésitez pas à faire un tour sur le site anglophone de Leah qui donne aussi des cours de violons en ligne, dont voici le lien : VIOLIN LESSONS ONLINE

Vous pouvez retrouver cette interview sur son PODCAST « Conversations with musicians », ainsi que d’autres interviews de violonistes et d’autres instrumentistes.

Vous pouvez également retrouver ces interviews avec toutes ces informations intéressantes sur sa chaîne Youtube.

A présent, entrons dans le vif du sujet ! Voici l’interview en vidéo en anglais, et le texte en français en-dessous.

 

L’interview :

Léa Roseman :
Bonjour Eva Slongo, violoniste de jazz et pédagogue qui nous rejoint depuis Paris. Merci beaucoup d’avoir accepté de jouer un peu. Tu vas jouer une des… une partie d’un morceau de ton nouvel album ?

Eva Slongo :
Oui, je vais essayer de le faire maintenant. (Et là je joue et chante mon morceau « Souffle »)

Léa Roseman :
Merci. C’était vraiment génial. J’espérais que tu chanterais, parce que j’ai entendu dire à quel point tu es une chanteuse merveilleuse en plus d’être violoniste. Et nous parlerons de ton parcours du classique au jazz et tout, mais je suis curieuse, chantais-tu bien déjà avant de te lancer dans le jazz ou cela a fait partie de cet apprentissage ?

Eva Slongo :
Oui, quand j’étudiais la musique classique, j’ai aussi pris des cours de chant lyrique. Et puis quand j’ai commencé à étudier le jazz avec le violon, j’ai voulu utiliser le chant, la voix, pour apprendre à improviser. Et puis j’ai commencé à beaucoup scatter, c’est-à-dire à faire beaucoup d’improvisations avec la voix. Et puis j’ai essayé de le faire avec le violon parce que ça me donnait une meilleure sensation de swing. Cela m’a beaucoup aidé à sentir le swing dans le jazz. Et finalement, il s’est trouvé que j’ai commencé à le faire aussi en concert, à scater et à jouer en même temps, et beaucoup de gens m’ont dit que c’était bien, qu’il fallait que je le fasse encore… Et puis j’ai appris quelques paroles aussi, des standards de jazz et puis j’ai commencé vraiment à mélanger voix et violon à chaque concert.

Léa Roseman :
Merveilleux.

Eva Slongo :
Le violon est plus important, mais j’ajoute la voix comme un instrument, comme je viens de le faire sans paroles, mais aussi parfois avec des paroles de standards de Jazz.

Leah Roseman :
En fait, maintenant que tu as joué un peu, serais-tu prête à jouer un autre morceau, peut-être un standard de jazz, une improvisation sur ton violon pour qu’on puisse entendre un peu ?

Eva Slongo :
Oui. Je vais improviser sur Autumn Leaves, mais je vais directement commencer par une improvisation.

Leah Roseman :
Oui.

Eva Slongo :
Veux-tu que je joue avec un playback pour mieux entendre l’harmonie ?

Léa Roseman :
Sûr. Si tu veux. Oui

Eva Slongo :
D’accord.

(J’improvise sur Autumn Leaves)

Leah Roseman :
Impressionnant. Merci.

Eva Slongo :
Merci.

Leah Roseman :
Donc, je pensais juste que c’est tellement génial, c’est facile pour les gens d’avoir des playbacks maintenant pour travailler le jazz.

Eva Slongo :
Oui oui oui.Tu vas sur YouTube et tu as un playback.

Leah Roseman :
Mais quand tu as commencé en tant que musicienne de jazz et que tu as déménagé à Paris, ce dont nous reparlerons, je sais qu’il y a une très grande scène pour les jam sessions. Tu avais donc déjà cette capacité de simplement jouer avec les gens.

Eva Slongo :
Oui oui. Je sortais beaucoup tous les soirs, surtout en jam de jazz manouche, parce qu’avec un violon c’était vraiment plus facile de m’intégrer dans la jam session. Dans les jams de jazz il y a toujours l’histoire du son, c’est compliqué. En jazz manouche, tu peux juste jouer en acoustique comme ça et c’est plus facile.

Mais j’aime aussi jouer du jazz, donc je suis aussi allée à des jam sessions de jazz, mais ensuite j’ai eu beaucoup de concerts en jazz manouche, mais pas en jazz car, comme je jouais du violon, les gens m’appellent pour le jazz manouche.

C’est pourquoi j’ai créé mon propre groupe avec mes compositions qui ont une inspiration jazz, pour pouvoir jouer aussi du jazz en groupe, et pas seulement du jazz manouche. J’aime beaucoup le jazz manouche, mais je voulais aussi avoir d’autres opportunités.

Avec mon propre groupe je joue mes compositions qui s’inspirent d’un jazz plus actuel, plus récent… Inspirées aussi un peu de la musique pop.

Je viens d’enregistrer un album et j’ai mélangé classique et jazz pour la première fois… Car d’abord j’étais violoniste classique, j’ai étudié la musique classique, j’ai fait tous les diplômes d’enseignement et de concertiste, mais ensuite j’ai arrêté.

J’en avais vraiment un peu marre de tout le milieu de la musique classique, de ce monde-là. Quand j’ai terminé mes études, j’ai complètement arrêté de jouer de la musique classique… J’avais déjà commencé à étudier le violon jazz avant de terminer mes études classiques, mais pas vraiment d’une manière approfondie. Et puis, après mes études, j’ai arrêté le classique et j’ai commencé à étudier plus sérieusement le violon jazz.

Mais c’était comme si j’avais tout recommencé au début, parce que c’est une façon vraiment différente de penser la musique, de penser le rythme, de penser l’harmonie… C’est une recherche d’un autre type de son,  mais une autre technique aussi.

Ce n’est pas complètement une autre technique, et on peut jouer les deux styles en parallèle : avec la technique du jazz, on utilise une autre technique, mais c’est pour faire un son différent aussi, donc ça va.

Maintenant, j’utilise plus les doigts de la main droite. C’est un peu différent, mais quand je joue du classique, ça marche. Je peux vraiment utiliser la même technique pour jouer du classique. J’ai même trouvé certaines choses plus faciles à jouer avec ma nouvelle technique avec mes doigts et moins de bras.

Leah Roseman :
Oui.
Alors quand tu étais étudiante en classique, j’avais lu que tu avais vraiment des problèmes physiques et que tu avais juste l’impression que tu ne pouvais pas être expressive, comme si ça ne te convenait pas.

Eva Slongo :
Oui. Vous parlez de problèmes physiques. Oui, j’ai dû m’arrêter deux fois pendant longtemps, pendant plusieurs semaines… Parce que j’avais tellement mal à l’épaule, parce que c’était beaucoup de travail, beaucoup de pratique, des heures et des heures…

Avec le jazz ensuite j’ai commencé à être plus détendue, et j’ai vraiment moins, je peux même dire presque plus de problèmes physiques.

Et puis aussi avec la musique, je suis né dans une famille de musiciens classiques donc j’étais vraiment dans le milieu classique, mais ensuite, je ne sais pas, il y avait tellement de règles d’interprétation…

Et au final, mon professeur disait : « D’accord, maintenant tu dois trouver ta propre personnalité », et je n’arrivais pas à la trouver. Je n’ai pas trouvé ma personnalité.

Et quand j’ai commencé à improviser, j’ai eu de nouvelles sensations. Je me sentais vraiment mieux. Même au début, quand je n’avais pas encore appris… Je ne connaissais pas le langage, je ne savais rien, j’utilisais juste mon oreille pour improviser.

Je pense que c’était mauvais… mais la sensation que j’avais était vraiment agréable. J’étais vraiment dans un état « d’euphorie »…

Léa Roseman :
Euphorie. Ouais.

Eva Slongo :
Euphorie. Et méditation en même temps. C’était quelque part, un endroit différent dans ma tête et j’aimais vraiment cet endroit et je voulais aller plus loin dans cet endroit. Et je ne pouvais pas ressentir ça quand je jouais dans un orchestre… Non, je ne ressentais pas la même chose…

Leah Roseman :
Et sur ton chemin vers le jazz, je sais que tu as exploré le tango, tu es même allée à Buenos Aires ?

Eva Slongo :
Oui.

Leah Roseman :
Ouais, donc il y a un peu d’improvisation dans le tango, mais pas vraiment. Est-ce le cas?

Eva Slongo :
Non. Je pensais que c’était le cas… Je viens de Suisse, j’ai étudié le classique en Suisse. Et puis pour la première fois, j’ai commencé à jouer avec un groupe qui faisait de l’improvisation, ils étaient… le musicien jouait du Piazzolla, mais le faisait de façon jazzy. Alors j’ai commencé à jouer et à improviser avec eux sur du Piazzolla…

Et je pensais que c’était comme ça, que le tango était une musique improvisée, mais c’était en fait juste parce que ce groupe jouait Piazzolla de cette manière…

Alors c’est pour ça que je suis allé à Buenos Aires, pour étudier un peu le langage du tango et c’était vraiment super. Belle expérience. Mais j’ai réalisé qu’il n’y avait pas… On peut improviser les ornements. Il y a une certaine liberté, bien sûr, mais ce n’est pas vraiment improvisé…

Je pense que les groups de tango, honnêtement, font de la vraie improvisation. Mais pas les violonistes, non. J’avais vraiment l’impression que l’improvisation n’était pas pour les violonistes. Peut-être qu’ils le font, mais ce n’est pas important, ce n’est pas l’essence même de jouer du tango, ce n’est pas avec l’improvisation.

C’est une interprétation. Libre, mais qui reste une interprétation.

Ensuite, si on veut bien en jouer, on doit vraiment écouter les ornements, et la manière de faire de tous les violonistes de tango. Il faut approfondir cela.

Et puis là, j’ai rencontré une violoniste suisse (Sophie Lüssi) et elle jouait du jazz manouche et je l’ai écoutée. J’avais déjà commencé un peu le jazz, en prenant des cours de violon jazz avant, mais pas beaucoup, pas sérieusement…

Et puis, là je l’ai écoutée en concert, et puis le le tout dernier jour de mon voyage là-bas à Buenos Aires, elle m’a invitée à faire une jam session de jazz manouche…et je savais, enfin non, j’étais capable de jouer Minor Swing, et je pense que c’est tout .ou.. Deux choses. Deux standards que je connaissais et que je n’étais pas capable de jouer… enfin un peu. Mais ensuite j’ai réalisé que c’était vraiment ce que je voulais apprendre et étudier.

Puis je suis revenue en Suisse dans le but d’étudier davantage le jazz. Avant cela, j’ai beaucoup essayé de choses. J’ai aussi essayé la musique baroque. J’ai essayé la musique Balkanique. J’ai essayé… Je savais que j’avais besoin de jouer aussi d’autres musiques que la musique classique.

Alors, je cherchais des choses, mais ensuite, de retour de ce voyage, j’ai su que je voulais me concentrer sur le jazz. J’apprenais encore la musique classique, mais je savais que la musique que je voulais étudier davantage à côté de mes études classiques était le jazz, et je voulais me concentrer là-dessus. Je ne savais toujours pas qu’après j’arrêterais le classique et ne ferais que du jazz, mais je savais que je voulais aller plus loin dans le jazz.

Leah Roseman :
Je me demandais, je t’avais entendu dire dans une de tes autres interviews que quand tu as joué pour la première fois et qu’il y avait des gens qui dansaient, c’était peut-être un concert de jazz manouche ou quelque chose comme ça.

Eva Slongo :
Non, ce n’était pas le cas. Non, c’était de la Bossa Nova…

Léa Roseman :
D’accord.

Eva Slongo :
Non, c’était juste… La première fois… Oui, oui. C’était avant, c’était encore avant le groupe. Ce n’était qu’une coïncidence. J’étais dans un bar et j’ai rencontré… la mère d’une de mes amies. J’avais mon violon et elle connaissait un guitariste qui jouait, un guitariste brésilien qui jouait de la Bossa Nova et chantait. Elle m’a dit : « Ah, mais tu peux jouer avec lui. » J’ai répondu :, « Oh, mais je ne sais pas… » elle me répond : »Allez, joue, joue. »

Et puis j’ai essayé et, oui, il y avait des gens qui dansaient. Je ne sais pas ce que j’ai joué. Je pense que j’ai certainement mal joué, juste d’oreille. Et la Bossa Nova n’est pas si simple non plus… mais j’ai ressenti quelque chose de très fort, oui, quelque chose… J’ai eu un sentiment très profond de joie et de quelque chose que je ne connaissais pas dans le monde de la musique classique, vraiment. Et puis je n’ai pas pu dormir de la nuit et je me suis dit : « Je veux faire ça. Je veux faire ça. »

J’étais très excitée, vraiment, à propos de ce moment et de ce sentiment et… Oui, cela fait partie des moments que j’ai vécus qui m’ont ensuite poussée à rechercher davantage l’improvisation, la musique improvisée et le jazz.

Leah Roseman :
Cela montre beaucoup de courage et d’initiative que tu dises simplement oui à ces opportunités alors que tu n’étais peut-être pas prête. Tu y es juste allée. C’est vraiment très bien. Et…

Eva Slongo :
Oui. Je pense que peut-être que quand j’étais petite, parfois j’improvisais juste comme ça. Toute seule. Ce n’était pas la première fois que je jouais sans partition mais, oui, dans un contexte comme celui-là, c’était peut-être une des premières fois.

Leah Roseman :
Vous avez donc étudié avec Pierre Blanchard en Suisse.

Eva Slongo :
Oui.

Leah Roseman :
Et il t’a formée en jazz. Quel genre de choses as-tu apprises de lui qui t’a vraiment fait démarrer?

Eva Slongo :
Il m’a beaucoup appris. Je pense que j’ai étudié quatre ans avec lui, mais je ne travaillais pas beaucoup parce que c’était pendant mes études classiques, et je devais déjà étudier le classique six heures par jour. Donc je ne m’entraînais pas beaucoup, et il ne venait qu’une fois par mois. C’était comme une évolution tranquille. Mais il m’a appris à jouer, et il m’a d’abord donné accès à Stéphane Grappelli. Il m’a fait étudier le chorus de Stéphane Grappelli, et il m’a beaucoup appris sur le swing, les bases du swing. Et la technique de l’archet, les ghost notes que je ne connaissais pas avant. Oui. Puis il m’a fait faire des transcriptions aussi de chorus de saxophone, comme Charlie Parker, John Coltrane.

 

Et il m’a beaucoup appris sur l’harmonie, quelle note jouer sur quel accord et pourquoi ça sonne bien, et pourquoi celle-ci ne sonne pas bien…

Peut-être était-il le seul à vraiment m’apprendre m’enseigner cette manière de jouer… Aller ci et là. Comment surfer entre les accords, parce que les accords sont l’harmonie du standard. Et, oui, c’était très, très utile. Comment jouer, que jouer sur un 2-5-1… Comment trouver la note intéressante au bon moment… Et j’ai beaucoup appris de lui.

Leah Roseman :
Depuis que tu es devenue jazzwoman professionnelle, as-tu joué avec lui depuis ? Avez-vous fait des collaborations ?

Eva Slongo :
Pas officiellement, car ensuite je suis allée à Paris. Il vivait à Paris,mais je suis allé à l’école de Didier Lockwood et j’ai perdu un peu le contact avec lui car il enseignait encore en Suisse, mais je n’étais pas beaucoup en Suisse.

Puis je l’ai revu à New York quand j’y étais, et il y jouait avec Dorado Schmitt dans grand club de jazz de New York. On a fait des jam sessions là-bas après ses concerts et c’était très sympa…

Leah Roseman :
Alors le Centre des Musiques Didier Lockwood est vraiment une école spéciale.

Eva Slongo :
Alors, oui, l’école de Didier Lockwood, c’est très bien parce que… j’ai eu la chance d’avoir Didier personnellement dans les cours. Mais aussi, toute l’école est très bien. Toute la direction de l’enseignement y est vraiment, vraiment bonne. Il y a beaucoup de très bons professeurs, pas seulement pour le violon… Là, on apprend vraiment à improviser. On pratique beaucoup le rythme, l’oreille,l’aspect technique de l’instrument aussi, mais il n’y a vraiment pas que ça. C’est vraiment, vraiment très complet, je dois dire.

Et il y avait aussi un autre professeur de violon, qui était très bon, Johan Renard, qui m’a beaucoup aidé à trouver beaucoup de choses. Et Didier était fantastique aussi. Personnage très spécial, mais… Une personnalité. Je me sens vraiment chanceuse d’avoir eu cette opportunité de travailler avec lui et j’ai beaucoup appris de lui… Il insistait beaucoup sur la sensation de swing et la sensation de rythme. Le time qui était vraiment la chose importante. Il nous faisant toujours taper du pied en jouant pour passer du temps à sentir le rythme dans le, dans le « ventre ».

Leah Roseman :
Dans le ventre, ouais.

Eva Slongo :
Dans le ventre. Et, oui, il a beaucoup insisté là-dessus. Et aussi beaucoup sur les doigts de la main droite. L’année entière. Et puis, c’était son principe d’enseignement, et comment raconter une histoire quand on improvise aussi, c’était très important. Je pense que sur ces trois points, il a beaucoup insisté. Sensation de swing, technique d’archet et raconter une histoire.

Leah Roseman :
Donc, en termes de narration d’une histoire, juste la mise en forme des phrases, la façon dont elle se construit.

 

Eva Slongo :
Non, c’est plus… Non, pas vraiment. Il n’enseignait rien sur… Oui, un peu, mais pas tellement sur les notes à jouer. Pour lui, tout était instinctif. Il jouait tout à l’instinct et à l’oreille, donc très naturellement. Donc il ne m’aa pas vraiment appris quelle note jouer sur quel accord, comme j’ai pu l’apprendre avec Pierre Blanchard. C’était plus comment vraiment s’exprimer à travers la musique.

Il faisait aussi du chant, pas vraiment du chant, mais il en faisait… des bruits en jouant. Quelque chose comme… il faisait ça…

Et puis ça m’a aussi beaucoup inspiré pour chanter en jouant, pour commencer par le chant et ensuite essayer de jouer comme je chante, et non de chanter ce que je joue. Jouer ce que je chante.

Parce que le problème c’est qu’on joue d’un instrument à cordes et qu’on peut toujours jouer. Ce n’est pas comme un instrument à vent qui doit respirer. Un instrument à vent doit respirer pour jouer. Et donc, les phrases, tout le solo est toujours plus logique, mieux construit, parce que c’est comme quand tu parles, tu dois faire des pauses, tu fais des phrases avec un début et puis tu respires. C’est aussi le problème avec la guitare, ils jouent toujours beaucoup de notes.

C’est pourquoi le chant m’a beaucoup aidé aussi à donner une meilleure carure à mes solos et à construire quelque chose. Parce que quand tu joues un solo pendant deux minutes, si tu joues toujours pareil alors c’est ennuyeux… Cela ne doit pas être ennuyeux. Alors tu racontes quelque chose, puis une autre chose et puis… Tu peux faire monter le solo et puis à la fin ça peut redescendre ou pas….

Ce genre de choses, c’est aussi très important à maîtriser.

Léa Roseman :
Donc à l’école il y a un très haut niveau, et tu as rencontré beaucoup de collègues avec qui tu joues maintenant ?

Eva Slongo :
Dans cette école, il y a un très haut niveau en jazz, dans d’autres instruments que le violon. Mais les violonistes, il y en a qui arrivent à l’école qui sont des « virtuoses », mais n’ont jamais joué de jazz auparavant. Donc le niveau jazz n’est pas toujours aussi élevé au violon, que dans les autres instruments. Au piano, à la batterie, il y a un très haut niveau. Mais les violonistes, je pense qu’ils viennent de différents environs…

Léa Roseman :
Fond?

Eva Slongo :
Oui. Fond. Oui, exactement. J’ai eu la chance d’écrire là-bas et j’avais déjà beaucoup étudié avec Pierre Blanchard auparavant donc je connaissais déjà le langage et j’ai pu vraiment profiter davantage de l’école. Car si j’avais été débutante en jazz, je pense que j’aurais moins apprécié tout ce que l’école pouvait m’apporter.

Leah Roseman :
Il me semble que la plupart des violonistes de jazz commencent par le classique, mais je suis curieuse…

Eva Slongo :
Oui.

Léa Roseman :
Pianistes de jazz. Pensez-vous que beaucoup d’entre eux commencent aussi en classique ?

Eva Slongo :
Non. Par exemple, le pianiste Giovanni Mirabassi, avec qui je joue maintenant, est incroyable, il a une technique incroyable et aussi un son très agréable et il ne joue pas si fort… Il peut être très, très minutieux dans les détails, mais il n’a jamais étudié la musique classique. Parfois je joue avec un pianiste et je pense qu’il a fait du classique, et puis je leur demande…

La semaine dernière, j’ai joué avec un pianiste fantastique, Baptiste Bailly, en duo et il avait vraiment un bon son et nous avons fait quelques airs classiques aussi, mélangés avec du jazz, et je lui demande : « as-tu étudié le classique ? » Et il a dit : « Non. Maintenant, j’essaie de pratiquer un peu la musique classique », mais il ne vient pas du classique.

Leah Roseman :
Alors parce que tu es une leader de groupe et que tu écris tes propres morceaux, tu as tracé ton propre chemin avec ta carrière, mais aussi ta pédagogie, dont j’aimerais parler, parce qu’avant cette pandémie , tu étais déjà présente en ligne en train de faire tout ce merveilleux enseignement avec ton programme.

 

Eva Slongo :
C’était déjà avant. Parce que j’ai commencé à faire mon blog pour enseigner le violon jazz, d’abord en français, uniquement en français, lors de mon tout premier confinement. C’était ma grossesse. Et c’était donc à la fin de ma première grossesse et j’étais très frustrée de devoir annuler tous mes concerts. Je voulais aller jusqu’au bout sur scène. Et puis revenir très vite sur scène, mais après cela ne s’est pas passé comme ça… C’est arrivé pour d’autres. J’ai eu quelques exemples de femmes qui pouvaient vraiment continuer jusqu’à 10 jours avant l’accouchement. Je ne pouvais pas… j’étais vraiment presque « handicapée »

Leah Roseman :
Handicapée…

Eva Slongo :
Je ne pouvais plus marcher. C’était difficile et j’avais beaucoup de peine. Alors les deux derniers mois j’étais à la maison et j’ai commencé à faire ça, oui, à ce moment-là. Et c’était bien parce que ça m’a donné de la motivation.

Et puis aussi avec le bébé, j’ai dû tout annuler et je continuais à le faire. Mais ensuite, j’ai eu un deuxième enfant. Ce n’est pas si facile d’être régulière. Ce n’est pas si facile, mais pour moi maintenant avec l’école et la crèche, c’est vraiment plus facile de faire ce travail parce que maintenant j’aime faire ça.

Et avec la pandémie, ça montre que je pouvais me développer davantage. Et maintenant j’ai des choses, mais je ne sais pas comment ce sera le mois prochain. J’aime donc beaucoup développer cette activité sur internet.

J’ai beaucoup de très, très bons témoignages. Je ne sais pas, mais les gens me disent beaucoup de bien de ce que je fais. Et c’est vraiment intéressant. Et je peux travailler par moi-même quand je veux, je suis indépendante. J’aime aussi cet indépendance. Et avec des enfants en bas âge, c’est toujours difficile de beaucoup voyager pour les concerts et de ne pas être à la maison. Ce n’est pas si facile, mais je le fais.

Mais ce week-end j’étais en France. Du vendredi au dimanche, je suis allé en France, mais… Ouais. Quand on a des enfants à charge, c’est beaucoup…

Léa Roseman :
Mais tu es à Paris. 

Eva Slongo :
Non, maintenant je suis en Espagne.

Léa Roseman :
Oh d’accord.

Eva Slongo :
Mais …cette année je suis en Espagne et je ne sais pas quel sera l’avenir…

Leah Roseman :
Il est important de parler de ces choses d’équilibrer la vie de famille et la musique, surtout avec les femmes, parce que, dans le passé, c’était tellement dominé par les hommes, personne ne s’est demandé : « Est-ce qu’ils voient même leurs enfants ? ou « Ils tournent tout le temps »… mais c’est tellement triste quand les gens renoncent à fonder une famille à cause de leur carrière. Nous devrions pouvoir faire toutes les choses.

Eva Slongo :
Oui… Ce qui est sûr c’est que quand j’étais enceinte, j’ai raté quelques occasions de faire des concerts, mais ce n’est pas non plus si grave… Il y en aura d’autres, donc ce n’est pas grave.

 

Léa Roseman :
C’est sérieux. Ouais.

Eva Slongo :
Et puis ça n’influencera pas toute ma vie. Et puis, oui, j’ai dû annuler certaines choses, mais si je n’avais pas eu d’enfants, je pense que je n’aurais jamais fait tout ce truc d’enseignement sur internet.

Léa Roseman :
Ouais.

Eva Slongo :
Et maintenant, j’apprécie vraiment ça aussi. C’est donc différent. Ça a des conséquences, c’est sûr. Mais  ce n’est pas si facile pour moi de jouer avec mon propre groupe. J’ai été déçue aussi de ne pas avoir été programmée dans certains festivals. Ce n’est pas facile.

Et je pense qu’avec ou sans enfants, ça n’aurait pas beaucoup changé. Mais avec les enfants, je devenais plus patiente avec tout ça, parce qu’avant je voulais aller jouer dans des festivals…

Mais il faut avoir de bonnes relations avec les bonnes personnes et ça pouvait prendre du temps … des années à devenir présente sur la scène jazz.

Et peut-être que je ne le serai pas…

Mais avant, je me disais vraiment « Je veux ça », mais maintenant avec mes enfants, je suis aussi heureuse et ça va.  Je suis plus patiente et les choses viennent quand ça doit venir et si ça ne vient pas, ça va.

Léa Roseman :
Penses-tu…

Eva Slongo :
Je fais tout ce que je peux pour que les choses arrivent, mais ce n’est pas seulement quand je fais ça, mais le temps est important. Avoir de la patience, c’est très important. Et les enfants m’ont donné… enseigné la patience.

Leah Roseman :
Ouais. Penses-tu qu’il est plus difficile en tant que violoniste de jazz ou simplement dans le monde du jazz en général de se faire connaître davantage ?

Eva Slongo :
Je pense que c’est plus difficile en tant que femme, et en tant que violoniste dans le monde du jazz. Ouais. Pas dans le jazz en général, mais je pense qu’en tant que femme jouant d’un instrument, c’est plus difficile dans le monde du jazz, parce que le monde du jazz est vraiment un monde d’hommes, le jazz manouche aussi. Mais après, je ne sais pas, ça change, donc peut-être y aura-t-il encore quelques possibilités…

Leah Roseman :
Ouais.

Eva Slongo :
Mais maintenant, jusqu’à maintenant, oui, ce n’est pas si facile. En tant que femme, ce n’est pas si facile et juste le violon dans le jazz ce n’est pas si… C’est bien parce que ce n’est pas si courant, donc c’est bien aussi de faire quelque chose d’original, mais les gens ne chercheront pas spécialement cela. Je pense donc que cela a des avantages et des inconvénients.

C’est comme être une femme, je pense qu’il y a des avantages, parce qu’il y a aussi des gens qui veulent voir des femmes, mais je pense que je n’ai pas apprécié les avantages pour l’instant, mais un jour, peut-être…

Leah Roseman :
Et donc, vos parents étaient des musiciens classiques ?

Eva Slongo :
Oui.

Léa Roseman :
Et comment vous ont-ils influencé en grandissant ? Côté musique ou…

Eva Slongo :
Oh, je ne sais pas. J’étais juste dans ce monde. Ils m’ont vraiment toujours éduquée avec la musique, m’ont fait chanter quand j’étais toute petite. Et puis ma mère était pianiste. Et quand j’avais quatre ans, je me souviens l’avoir vue jouer avec un violoniste dans un concert. Et je me souviens qu’à partir de ce jour, je voulais jouer du violon. J’ai donc découvert le violon grâce à eux. Mais, d’abord, non, parce que j’ai d’abord découvert le piano… Et mon père joue de l’orgue. Alors avant d’écouter du violon, j’ai écouté du piano et de l’orgue, mais ensuite j’ai découvert le violon et c’était ce que je voulais.

Leah Roseman :
Et votre partenaire est un musicien de jazz ?

Eva Slongo :
Oui. Il joue de la guitare manouche.

Léa Roseman :
Pensez-vous que vos enfants voudront naturellement jouer du jazz ?

Eva Slongo :
Je ne sais pas, mais ma fille a cinq ans, on lui apprend déjà le violon et la flûte.

Léa Roseman :
Flûte ou flûte à bec ?

Eva Slongo :
« Flûte-à-bec ». Et violon. Je lui enseigne le violon et je pense qu’elle est assez douée, aussi avec le rythme, c’est déjà très bien… Et elle chante très, très juste. Elle a déjà l’oreille, c’est déjà en place, je pense. 

Maintenant, elle est jeune, donc on lui apprend ce qu’on sait, mais ensuite, peut-être plus tard, elle choisira un autre instrument, mais on essaie déjà de leur faire écouter beaucoup de musique aussi, classique et jazz.

On essaie de leur donner tout ce qu’on peut maintenant pour pouvoir ensuite être musiciens, professionnels ou non, c’est ce qu’ils choisiront. Mais on essaie de leur donner la possibilité d’avoir déjà une bonne oreille et ensuite on voit ce qui se passe.

Leah Roseman :
Eva, il y a deux autres choses qui m’intéressent.

Eva Slongo :
Ouais.

Léa Roseman :
L’un est votre processus de composition, la façon dont vous écrivez aussi.

 

Eva Slongo :
Il y a différentes façons… J’ai déjà sorti un EP en 2013 et un album en 2016. Et pour ces deux-là, j’ai vraiment composé avec des instruments harmoniques, comme le piano ou la guitare. Je ne joue pas vraiment du piano ou de la guitare, mais je connais les accords, puis chanter et faire des accords. Je compose vraiment comme ça.

Mais ensuite, pour mon nouvel album maintenant qui va sortir bientôt, je compose plus sur le violon parce que j’ai essayé de  m’inspirer de tous les éléments de musique classique que j’avais en moi aussi et puis de le mélanger avec  le jazz.

Et donc, oui. Vraiment, comme la composition que j’ai faite avant de vraiment le faire… Oui, je l’ai fait au violon et à la voix. Et puis j’ai composé une cadence au violon. Mais, si je me souviens bien, ce morceau, d’abord, je l’ai composé comme une chanson et ensuite j’ai appris le chop et c’est devenu comme ça… Ensuite, ça a  évolué.

Et puis… Qu’est-ce que j’ai fait ? Oui. Il existe d’autres compositions. Ouais, je… Juste comme ça avec le violon et la voix. Le dernier album, surtout comme ça, mais un peu aussi… Il y a deux chansons, une que je compose avec les accords de guitare et voix et une… une autre avec piano. Il y en a un qu’on a composé quand ma fille était bébé… C’est une « berceuse », tu sais ?

Léa Roseman :
Berceuse.

Eva Slongo :
Oui, berceuse que nous avons composée, avec mon mari, pour ma fille. Et puis j’ai mis des accords de jazz au piano sur cette berceuse.

Léa Roseman :
J’ai hâte d’entendre ton nouvel album. Alors je voulais juste vous remercier d’avoir accepté de me parler aujourd’hui et d’avoir si bien joué.

Eva Slongo :
Merci.